Satoshi Shiki et la prépublication

Au Japon, avant de sortir sous forme de volumes reliés (forme sous laquelle sont généralement publiés les mangas en France), les mangas sont publiés chapitre par chapitre dans des magazines de prépublication.

Cela a notamment été le cas pour les différentes séries de Satoshi Shiki. Revenons en détail sur le fonctionnement de ce mode de publication au Japon et sur les magazines qui ont accueilli le mangaka.

La publication des mangas au Japon

Kamikaze en couverture du magazine Afternoon
Kamikaze en couverture du magazine Afternoon

Les éditeurs japonais qui publient des mangas possèdent différents magazines de prépublication. Ceux-ci peuvent être caractérisés par leur périodicité (hebdomadaire, bimensuel, mensuel…), ainsi que par le public visé. Certains magazines s’adressent à un lectorat d’enfants ou d’adolescents de sexe masculin (on parle de magazines shônen). D’autres sont destinés aux adolescentes (shôjo). Généralement, ces catégories prennent en compte le sexe et l’âge du lecteur. Il existe également des magazines qui s’articulent autour d’autres critères comme la thématique des récits publiés. À ses débuts, Satoshi Shiki publiait des œuvres de catégorie seinen, à destination d’un public adulte plutôt masculin.

Riot of the World en couverture du magazine Ultra Jump
Riot of the World en couverture du magazine Ultra Jump

Un magazine de prépublication contient de nombreux mangas. Un volume relié (on parle de tankôbon au Japon) est une compilation des chapitres publiés dans les numéros du magazine. Le nouveau tome d’un manga peut donc sortir uniquement quand tous les chapitres qui vont le composer ont été prépubliés dans le magazine. Selon la périodicité de celui-ci, mais également en fonction de la pagination, les volumes d’une série sortiront plus ou moins vite.

La périodicité du magazine a également d’autres conséquences. Dans le cas de mensuels, de bimestriels ou de trimestriels, elle offre davantage de temps au mangaka pour travailler un chapitre. Il peut ainsi fournir des épisodes plus longs (30 à 50 pages contre 15 à 20 pages pour une prépublication hebdomadaire) ou des dessins plus soignés et détaillés. À côté de son travail sur le nouveau chapitre de sa série, une prépublication mensuelle donne aussi à l’auteur de la disponibilité qu’il peut utiliser pour s’atteler à d’autres tâches (telles que la documentation pour l’écriture des prochains épisodes ou la participation à d’autres projets) ou pour se reposer. Depuis ses débuts, Satoshi Shiki a travaillé pour des bimestriels, des trimestriels et surtout des mensuels.

XBlade en couverture de Shônen Sirius
XBlade en couverture de Shônen Sirius

À l’intérieur d’un magazine de prépublication, un coupon permet aux lecteurs d’indiquer leurs mangas préférés. Les séries les moins appréciées peuvent être interrompues par l’éditeur, tandis que celles les plus plébiscitées peuvent continuer tant que le succès est au rendez-vous. Pour intéresser le lecteur et permettre à leurs mangas de se poursuivre, les auteurs peuvent avoir recours à divers artifices (par exemple, l’utilisation du suspense à la fin des chapitres ou du fan service).

Au sein d’un magazine de prépublication, un manga peut ponctuellement figurer en couverture et avoir droit à des pages couleur (qui ne seront pas forcément en couleur dans le volume relié). Ces privilèges sont souvent octroyés aux nouveautés (le premier chapitre d’une série peut débuter par des pages en couleur) ou aux titres à succès.

Satoshi Shiki et la prépublication

Depuis ses débuts en 1991, Satoshi Shiki est passé par différents éditeurs et a dessiné dans les pages de différents magazines de prépublication. Je vais maintenant m’attarder sur chacun d’eux.

Afternoon

Ce mensuel seinen des éditions Kôdansha a prépublié Kamikaze entre 1997 et 2003.

Beaucoup de séries d’Afternoon sont publiées en France et y rencontrent un certain succès. Outre Kamikaze, je citerais des titres comme L’habitant de l’infini, Bakuon Rettô, Parasite, Blame !, Eden, Mushishi, Vinland SagaGunsmith Cats ou L’ère des cristaux.

Couverture du magazine Afternoon

Afternoon Season Zokan

Toujours chez Kôdansha, Afternoon Season Zokan était un hors-série trimestriel du magazine Afternoon. Il n’existe plus aujourd’hui. Entre 2000 et 2002, parallèlement à Kamikaze, Satoshi Shiki a dessiné Min Min Mint dans ses pages.

Le but premier de ce magazine était d’offrir aux auteurs d’Afternoon un espace pour souffler et dessiner d’autres histoires.

Autre série connue en France issue d’Afternoon Season Zokan : Noise de Tsutomu Nihei (auteur de Blame !).

Couverture du magazine Afternoon Season Zokan

Champion Red

Il s’agit d’un mensuel seinen de l’éditeur Akita Shoten. Depuis octobre 2018, Satoshi Shiki figure à son sommaire avec Dororo and Hyakkimaru. Les trois premiers chapitres de Casshern R ont également été publiés dans le magazine entre les mois de septembre et de novembre 2023.

Issues de ce magazine, les séries suivantes sont sorties en France : Nekoten !, Saint Seiya Episode G, En scène !, Shigurui, Junk Record of the Last Hero.

Couverture du numéro 02/2023 du magazine Champion Red

Comic Dragon

Aujourd’hui disparu, ce mensuel seinen était proposé par Fujimi Shobo, éditeur appartenant au groupe Kadokawa Shoten. C’est dans ses pages que le manga 69 de Satoshi Shiki fut publié entre avril 1993 et septembre 1994. Aucun volume relié ne sortit à cette époque.

Ce magazine est à l’origine de deux titres connus en France : Belle Starr et Silent Möbius.

Couverture du magazine Comic Dragon

Comic Genki

Aujourd’hui arrêté, Comic Genki était un bimestriel de publication de mangas seinen de Kadokawa Shoten. Il se présentait comme une déclinaison du supplément du même nom du magazine Newtype, consacré aux mangas en prépublication. Ses pages ont accueilli Crime et Châtiment, l’histoire courte de Satoshi Shiki qui lança sa collaboration avec Kadokawa Shoten, et plusieurs chapitres de Riot.

Autre titre connu des lecteurs français, le manga Dukalyon est issu de Comic Genki

Comic Genki

Comic Newtype

Comic Newtype était un magazine trimestriel de Kadokawa Shoten. Chaque numéro était associé à une saison. Il publiait des mangas seinen, dont Riot entre janvier 1995 et avril 1996. Les chapitres prépubliés dans le magazine correspondent au troisième tome du manga de Satoshi Shiki, mais celui-ci n’est finalement jamais sorti chez Kadokawa Shoten.

Le magazine n’existe plus aujourd’hui.

Couverture du magazine Comic Newtype

Comic Zero Sum Ward

Publié entre 2003 et 2015, Comic Zero Sum Ward était un bimestriel édité par Ichijinsha à destination d’un lectorat d’adolescentes. C’est dans ce magazine que les lecteurs ont pu retrouver Betsuani !, première tentative de Satoshi Shiki de s’éloigner de sa cible habituelle, plutôt masculine, entre les mois de mai 2011 et de septembre 2012.

En France, Comic Zero Sum Ward est connu pour Olympos, Crimson Empire, Vampire Doll ou Ballad.

Couverture du magazine Comic Zero Sum Ward

Dengeki Maoh

Publié par ASCII Media Works, Dengeki Maoh est un mensuel destiné à un lectorat de jeunes hommes (seinen). Entre novembre 2012 et décembre 2014, les Japonais ont pu lire dans ce magazine Persona X Detective Naoto, une adaptation du jeu vidéo Persona 4 dessinée par Satoshi Shiki. Le dénouement du manga n’a été publié que dans le magazine, puisque le troisième et dernier volume n’a finalement jamais vu le jour.

Des titres comme Stray Little Devil, Tales of the Abyss, Coffee Moon, Persona 3 ou Spice & Wolf, tous publiés en France, sont issus de Dengeki Maoh.

Couverture du magazine Dengeki Maoh

Newtype

Appartenant à l’éditeur Kadokawa Shoten, Newtype est un magazine d’information sur l’animation. Il propose en plus quelques mangas en prépublication. Aujourd’hui intégrées au sein du magazine, les bandes dessinées se trouvaient auparavant dans un supplément intitulé Comic Genki, puis Comic Genki R. Plusieurs chapitres de Riot, dont le premier dans le numéro de novembre 1991, ainsi que l’histoire courte Wild Kids, furent publiés dans ce supplément.

Pour les Français, Newtype est aussi le magazine à l’origine de mangas comme Dark Angel, Kobato, Super Cub, Le Voleur aux 100 Visages ou The Five Star Stories.

Couverture du magazine Newtype

Shônen Rival

Publié entre 2008 et 2014 par Kôdansha, Shônen Rival était un mensuel de prépublication de type shônen. C’est dans ses pages que Satoshi Shiki dessina Genjûza entre mars 2011 et juillet 2012.

En France, ce magazine est à l’origine de titres comme Blazer Drive, Buster Keel, Enma, Hell’s Kitchen ou Monster Soul.

Couverture du magazine Shônen Rival

Shônen Sirius

Créé en mai 2005, Shônen Sirius est un mensuel shônen des éditions Kôdansha. Satoshi Shiki est publié dans ses pages depuis le mois de novembre 2006. S’y sont succédés XBlade et sa séquelle XBlade Cross (entre 2006 et 2013), L’Attaque des Titans – Before the Fall (entre 2013 et 2019), Bakuen (entre 2020 et 2021) et The Devil Princess (depuis 2022).

Outre XBlade et Before the Fall, différents titres du magazine, tels que Princesse Résurrection, Aposizm La planète des marionnettes, Elegant Yokai Apartment Life, Mon chat à tout faire est encore tout déprimé, Elin La charmeuse de bêtes, Moi quand je me réincarne en slime, Altair ou Les Brigades Immunitaires, sont arrivés chez nous.

Couverture du magazine Shônen Sirius

Ultra Jump

Publié par l’éditeur Shueisha, Ultra Jump est un magazine mensuel seinen. Le troisième volume de Riot of the World, ainsi que les premiers chapitres du volume 4, ont été prépubliés en son sein entre 1998 et 2000, avant une nouvelle interruption de la série.

Issus d’Ultra Jump, des titres comme Biomega, Bastard !!, Gunnm Last Order, Peace Maker, No Guns Life, Dogs, Agharta, Abara, Levius/Est, Enfer et Paradis, Steel Ball Run et Jojolion ont une certaine notoriété en France.

Couverture du magazine Ultra Jump

Young King Ours

Young King Ours est un mensuel seinen de l’éditeur Shonengahosha. « I » Daphne in the Brilliant Blue a été prépublié dans ses pages en 2004, avant son interruption au début de l’année 2005.

Certaines séries de Young King Ours ont été publiées en France. Hellsing, World Embryo, Trigun Maximum, Excel Saga, Samidare, DriftersPilgrim Jäger, SpeOpe ! et Sun-Ken Rock sont ainsi issus du magazine.

Couverture du magazine Young King Ours

Le mot de la fin

De ses débuts chez Kadokawa Shoten à Kôdansha et Akita Shoten, chez qui il est actuellement publié, Satoshi Shiki a travaillé avec neuf éditeurs (aucun magazine de Tokuma Shoten, éditeur de 69, n’apparaît dans la liste ci-dessus, car aucun titre de l’auteur n’a été prépublié chez celui-ci). C’est chez Kôdansha que Satoshi Shiki a été le plus publié, avec huit mangas menés à leur terme pour un total de 55 volumes, et The Devil Princess qui se poursuit.

Loin d’être un long fleuve tranquille, surtout à ses débuts, la publication de Satoshi Shiki au Japon est surtout marquée par les interruptions qu’ont connu beaucoup de ses œuvres. Manque de succès ? Mésentente avec l’éditeur ? Volonté de l’auteur ? Je ne connais pas la raison de ces arrêts, mais ils peuvent expliquer ses multiples changements d’éditeurs.

Article initialement publié le 6 septembre 2013, actualisé le 23 décembre 2022 et le 4 janvier 2023.

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