Mon avis sur Riot

Premier travail de Satoshi Shiki, Riot apparaît clairement comme une œuvre de jeunesse. Attachante et non dénuée de charme, notamment grâce à son scénario et à son univers intrigants, ou à certains de ses personnages, elle souffre malheureusement de plusieurs défauts qui nuisent au plaisir de lecture. Voyons un peu lesquels.

Le graphisme

Riot présente un graphisme extrêmement fin tant au niveau des décors que des personnages. Les pérégrinations des héros se partagent entre des villes modernes en ruine, de grandes zones désertiques et d’autres bâtiments à l’architecture plus classique, comme les superbes églises de style gothique. Celles-ci tranchent nettement avec les paysages futuristes et dévastés. Elles sont dessinées avec un soin et une précision remarquable.

Tous les décors n’ont toutefois pas bénéficié de la même attention. Seules quelques cases sont vraiment travaillées, les autres laissant la place à un décor davantage esquissé ou à un motif de fond.

Le design des protagonistes est une des grandes originalités de Riot. Satoshi Shiki a fait preuve d’une grande créativité pour le dessin des tenues de ses personnages. Il a créé une gamme de vêtements au style homogène et original qui habille chacun de ses protagonistes.

Au-delà de cet aspect vestimentaire, le dessin des personnages de Riot est, à l’image du travail fourni sur les décors, très soigné. A de nombreuses reprises, Satoshi Shiki s’attarde sur le visage de ses personnages et nous livre des portraits saisissants qui reflètent admirablement leurs émotions. Les traits restent pourtant simples et l’expressivité des protagonistes passent essentiellement par leurs yeux. Ceux-ci bénéficient d’une attention particulière de la part du mangaka sur les gros plans et dans les passages émouvants de Riot.

Au niveau de la mise en page, l’auteur adopte un découpage sophistiqué avec alternance de grandes cases et de séries de petites vignettes multipliant les points de vue sur une même action. La narration oscille ainsi entre contemplation et passages nerveux et dynamiques, à grand renfort de hachures et de lignes de vitesse.

Pourtant, on ne peut pas dire que la mise en scène de Riot soit une grande réussite, principalement en ce qui concerne les scènes de combat. Satoshi Shiki a de grandes difficultés à représenter l’action, ce qui rend la lecture peu évidente. A plusieurs reprises, on voit un personnage tomber ou subir une action sans que l’on sache précisément ce qu’il se passe. Certains passages sont ainsi confus et le lecteur se retrouve dans la même situation que le personnage : il est surpris et déstabilisé. Est-ce un effet voulu ?

Les scènes d’action ne sont de toute façon pas très convaincantes. Satoshi Shiki ne parvient pas à raconter ces combats faisant intervenir différents types d’armes. Ainsi, corps à corps et armes à feu ne font pas bon ménage dans Riot et l’auteur ne semble pas savoir sur quel pied danser quand il décrit un duel opposant un escrimeur à un tireur émérite. Le mangaka succombe également à la mode des personnages témoins. Dès lors qu’un duel est mis en avant, tous les autres protagonistes arrêtent de se battre pour observer et commenter l’action du moment, ce qui nuit à la crédibilité de la scène.

Le scénario

Alternant efficacement scènes d’action, d’émotion, de révélations et de dialogues, le scénario de Riot suit trois grands axes : l’histoire de l’antique civilisation, celle de Caïn et Abel et celle du passé de Billy. Chacune de ces intrigues est très recherchée et pourrait faire l’objet d’une série différente sans que celle-ci ne manque de matière à raconter. Ces trois histoires interagissent entre elles et présentent de nombreuses connexions, justifiant ainsi la cohérence de l’œuvre.

Le tout se déroule dans un univers extrêmement surprenant. S’y côtoient des éléments qu’on ne s’attend pas forcément à voir dans une même œuvre. Cowboys, magie, robots, religion, monstres : tout est possible dans Riot et c’est sa grande originalité : faire cohabiter tant d’éléments différents dans un univers crédible.

Remplies de mystères et de suspense, les trois grandes intrigues de Riot se dévoilent au lecteur par petites touches, laissant beaucoup de place à la suggestion et à l’extrapolation. Si les démêlés du passé de Billy sont pratiquement tous connus à la fin du second volume, les deux autres histoires restent en suspens. On ne peut donc que regretter l’interruption du manga de Satoshi Shiki.

Élément central de Riot, les personnages ont bénéficié d’une grande attention de la part de Satoshi Shiki. Chacun d’eux a une histoire et une personnalité propre qui lui donnent humanité et consistance. Leurs comportements et motivations se justifient ainsi tout naturellement et c’est avec beaucoup de justesse que sont décrits leurs sentiments, états d’âme et émois. Même les personnages les plus mineurs sont suffisamment travaillés pour que l’on s’attache à eux.

On sent bien que les nombreux personnages sont la clef de voûte du manga. C’est d’eux que viennent les problèmes mais c’est également d’eux que viendra la solution. On peut toutefois regretter la trop grande place laissée aux scènes d’action au détriment des protagonistes et des scènes de dialogues.

La version française

Indépendant du travail de Satoshi Shiki, le plus gros défaut de Riot est certainement son édition française qui ne met absolument pas en valeur l’œuvre du mangaka. Grand format, couverture cartonnée, papier glacée : Glénat a pris le parti de réaliser une édition « de luxe » avec le prix qui va avec (77 francs à l’époque). On peut cependant se demander l’intérêt de vouloir faire du grand format là où il n’y en avait pas à l’origine. En effet, chaque planche est encadrée d’un large bord blanc. Le choix de conserver les onomatopées japonaises tout en inversant les planches ne paraît pas non plus très judicieux. On peut également regretter le changement de couvertures, même si celles proposées par Glénat sont plutôt réussies. Un plus grand respect de la forme originale à un prix plus modique aurait-il permis d’attirer plus de monde vers Riot ?

Toutefois, le plus gros reproche que l’on peut adresser à cette version française est la traduction. Entre les phrases restées en anglais, les dialogues vulgaires, les incohérences et les erreurs de traduction, ce travail ne fait honneur ni à l’œuvre de Satoshi Shiki, ni à Glénat.

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