Riot, la rencontre de trois univers

Riot présente un univers futuriste aux accents de western et ajoute au tout un fond fantastique, agrémenté de références à l’un des épisodes les plus célèbres de la Bible.

Un mélange étonnant qui apporte toute sa saveur au récit. Retour sur les différentes caractéristiques du monde que Satoshi Shiki décrit dans son manga.

La découverte d’un monde imaginaire

Au premier abord, l’univers de Riot est assez difficile à caractériser. Pas de description ou de mise en avant du contexte : le lecteur est plongé dans un monde dont il ne sait rien. C’est au gré des aventures que Satoshi Shiki lui narre qu’il en prend connaissance. Le plus souvent, il doit faire appel à son intuition, le tout restant relativement flou.

Le premier contact laisse à penser que nous sommes en présence d’un univers imaginaire largement tourné vers le passé. Riot débute ainsi par la fuite de Billy the Kid, à cheval, à travers des contrées désertiques, puis verdoyantes. La première ville que l’on visite confirme l’impression. Les vêtements des passants évoquent l’Amérique de la conquête de l’Ouest tandis que les bâtiments et décorations, à l’instar de ces colonnes de pierre, arches, statues ou fontaines, semblent davantage lorgner vers ce qui se faisait en Europe à la même époque. L’univers semble dépourvu de toute technologie moderne, la plus moderne semblant être les armes à feu que manient de nombreux personnages.

Et puis, on s’éloigne de cette ville et le décor change du tout au tout. Il y a d’abord ces grandes églises gothiques imposantes, ces cathédrales, vides pour la plupart, à l’exception de deux. La première, celle de l’Ouest, semble elle aussi à l’abandon et n’abrite que sa gardienne, Axelle, alors que la seconde est le siège de toute une organisation. On ne connaît toutefois pas le rôle de ces deux Églises dans la société, ni celui qu’elles ont pu tenir par le passé. Lorsqu’on va encore plus loin, on tombe sur de grandes villes en ruines, issues d’un autre temps, et le puzzle de l’histoire du monde de Riot commence à se compléter.

Disparition et renaissance d’une civilisation

Zigy et les Ketchamen

En effet, l’histoire de Riot se déroule sur les ruines d’une ancienne civilisation qui pourrait être la nôtre (ou tout du moins une projection futuriste de la nôtre). Dès lors qu’il sort des cités animées et peuplées, le périple d’Axelle et Billy the Kid vers l’Est nous donne ainsi l’occasion de nous attarder sur des paysages qui semblent en être les vestiges. On croise notamment, à de multiples reprises, des villes désertes, constituées de grands immeubles délabrés et dangereusement inclinés pour certains. Peu de choses sont dites à ce sujet mais tout laisse à penser qu’une catastrophe de grande ampleur est responsable de l’état de ces villes et de la disparition de la civilisation précédente.

Dans ce nouveau monde bâti sur les ruines de l’ancien, les secrets de l’ancienne civilisation ont été cachés et scellés au sein de l’Église Orientale afin que plus personne n’en fasse usage. Les survivants de la catastrophe que l’on devine les auraient-ils jugés responsables de leur malheur, maudits et bannis ?

Pourtant, aujourd’hui, l’Église Orientale de Caïn brave les interdits et utilise de nombreuses technologies (les Hi-electronics) issues de l’ancienne civilisation. Les Ketchamen (des robots pilotés) ou l’œil cybernétique de Zigy en sont les illustrations les plus évidentes. Prêt à tout pour atteindre ses objectifs, Caïn va-t-il reproduire les erreurs de l’ancienne civilisation et provoquer de nouveaux désastres ?

L’Église Orientale n’est cependant pas la seule à utiliser d’anciennes technologies. Lucie May, une amie de Richie qui vit dans une de ces anciennes villes en ruines, utilise de nombreuses machines, notamment à des fins médicales. L’une d’entre elles serait même capable de redonner la vie.

La loi du plus fort

Affiche annonçant la récompense pour l'arrestation de Billy the Kid

Toutefois, l’ambiance générale de Riot, qui évoque plutôt le western, nous éloigne de ce contexte futuriste. Avec un héros qui se fait appeler Billy the Kid, il est effectivement difficile de passer à côté de cette référence. Le vrai Billy the Kid était un hors-la-loi de l’époque des pionniers. Il fut abattu par le shérif Pat Garrett. Au-delà du surnom de son personnage principal, l’univers de Riot est parsemé de clins d’œil aux westerns (ou du tout du moins à l’image que l’on s’en fait). Les héros voyagent ainsi à bord d’une diligence comme on peut en voir dans les films de cowboys. De plus, dans le premier tome, Billy et Axelle font une pause dans un saloon. La dernière référence est peut-être la plus remarquable avec les fameuses affiches « mort ou vif », indiquant les criminels que la garde doit poursuivre.

De manière plus générale, avec ses mercenaires sans foi, ni loi, ses chasseurs de primes opportunistes, ses fines gâchettes et ses marginaux en quête d’aventures et de sensations, Riot baigne dans une ambiance semblable à celle des films de western et la loi du plus fort semble y être la meilleure.

Les deux frères maudits

Pourtant, l’intrigue générale de Riot n’a rien à voir avec le western et tourne davantage autour des deux Églises, qui amènent une autre référence. En effet, comment ne pas penser à la Bible lorsque l’on rencontre des personnages nommés Caïn et Abel, autour desquels gravitent les mystères les plus épais du manga de Satoshi Shiki ?

Dans l’Ancien Testament, Caïn, premier fils d’Adam et Ève, tue son jeune frère Abel par jalousie, Dieu ayant préféré les offrandes du cadet (les premiers nés de son troupeau) à celles de son aîné (les produits de sa récolte). Caïn sera châtié et deviendra un vagabond. Après des années d’errance, il aura un fils, qu’il baptisera Hénoch, et fondera une ville à son nom.

L'adoption d'Abel et de Caïn

Dans Riot, Abel et Caïn sont les deux enfants de l’Ouest adoptés par l’archevêque de l’Église Orientale afin d’assurer sa succession. Aujourd’hui, Caïn a tué son père adoptif pour prendre le contrôle de l’Église et tente de réunir les deux manuscrits antiques afin de pouvoir réveiller Abel, mystérieusement endormi depuis treize ans et sur qui le temps ne semble plus avoir d’effet. Abel est également le grand frère d’Axelle à qui elle a promis de veiller sur le Riot.

Avec l’interruption du manga de Satoshi Shiki et les zones d’ombre qui demeurent sur l’enfance des deux enfants de l’Ouest, il est difficile de savoir si la référence se limite aux noms de ces deux personnages ou si elle va plus loin. En effet, on pourrait supposer que Caïn est responsable de l’état d’Abel. Par jalousie, il s’en serait pris à son frère adoptif et, pris de remords, il essaierait aujourd’hui de se racheter. L’essentiel des mystères de Riot tourne autour de ce qu’il s’est passé il y a treize ans au sein de l’Église Orientale et c’est sans doute dans ces événements que se trouvent les motivations de Caïn.

L’histoire des deux « frères » de l’Ouest est intimement liée à celle des deux Églises qui protègent deux manuscrits, le Riot et le Phantom, sources de pouvoir et de nombreuses convoitises. Les deux ouvrages semblent avoir une conscience et accordent leur puissance à leur protecteur désigné. Leur origine est un des autres gros mystères de Riot. Toutefois, cet élément fantastique ne semble pas être une référence directe à la Bible.

D’autre part, on croise à de multiples reprises des églises ou des cathédrales, ainsi que des croix, qui évoquent la religion catholique. Toutefois, ces éléments sont purement stylistiques et n’ont pas de signification particulière.

Au final, Riot emprunte autant à la science-fiction qu’au western ou au fantastique pour constituer son univers, son ambiance et son intrigue. C’est un mélange étonnant qui tient parfaitement la route. On peut cependant regretter que l’interruption du manga nous prive de certaines clés (rôles présent et passé des deux Églises, origine des manuscrits antiques, circonstances de la disparition de l’ancienne civilisation…) et nous empêche d’appréhender pleinement le monde et la société de Riot.

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